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TECHNIQUE DE Nicole MICHIGANToute oeuvre picturale polychrome (oeuvre peinte, fresque ou tableau...) se compose de quatre parties :
Pour l'état des murs de l'Eglise de Lesches, il était semblable à ceux des autres églises non entretenues de la région : en décrépitude et délabrement. Par endroit les voûtes s'effondrent, le salpêtre est présent. Des champignons et des moisissures colonisent les murs. Il faut traiter fentes et fissures. Tous les murs ont été sondés. Ce qui"sonnait le creux"a été enlevé, dégagé et réparé à neuf. Les surfaces des murs recouvertes d'un badigeonnage jaune ont été grattées, mises à nu. Il a fallu traiter les murs pour les assainir, passer les fongicides et les durcisseurs de plâtre partout. Toute formation de salpêtre s'est trouvée stoppée. Les réparations des murs ont été effectuées au plâtre, afin d'éviter le risque de création des zones hétérogènes. Pour un artiste peintre, le support-mur pour réaliser une oeuvre est idéal : il offre une résistance, une rigidité et une stabilité que ne peut apporter une toile tendue sur châssis. Fallait-il peindre sur de la toile préparée pour l'artiste et la maroufler (la coller) ensuite ? certes NON ! Voici pourquoi : Entre les deux supports mur et toile : nécessité d'une colle ; les artistes utilisaient de préférence une colle de peau (dite Totin) ou de poisson. Maintenant, nous préférons les produits synthétiques encore que des puristes regrettent le bon vieux temps avec les bons vieux produits, même s'ils sont de nos jours complètement dépassés. Il faut savoir que tous les collagènes sont fortement hygroscopiques et qu'ils transmettent cette caractéristique aux matériaux qui les contiennent. Je n'aime pas les oeuvres monumentales dont la toile est perceptible à travers la couche picturale : cela donne une impression de rajouté, alors qu'une murale doit donner la sensation de faire corps avec le mur. Une toile est chimiquement, et pour simplifier, de la cellulose. Elle est fortement réactive, c'est un support à risques : si elle a été mal tendue au décatissage, elle sera toujours très sensible aux variations d'humidité. Si elle est mal décatie, elle prend mal l'encollage. Quant à la mise en tension …, comment tendre sur une aussi grande surface que les voûtes de l'Eglise de Lesches, et en recouvrant aussi d'un même coup les surfaces en arrondi ? Et si les fibres qui composent la toile sont trop courtes …, celle-ci se rompt à la mise en tension ! Une toile est d'origine cellulosique, donc d'origine organique, donc putrescible. Ses molécules sont des hydrates de carbone, donc sensibles à l'eau et à l'humidité. Il est facile de comprendre que les différentes saisons (au cours d'une même année, il va faire chaud et sec plusieurs fois, alternant avec des périodes de pluie) impliquent une hygrométrie variable. Quand il fait sec, la toile se rétracte, quand il fait humide, elle absorbe de l'humidité ambiante, elle se gonfle et s'allonge : la toile est donc un support en constant mouvement. Elle est de faible stabilité dimensionnelle et elle se gondolera, se décollera, fera des plis à coup sûr, et très rapidement. Il s'ensuivra une déformation générale de la couche picturale. Mais peindre sur toile et la maroufler ensuite sur le mur auquel elle est destinée peut paraître avoir un avantage : on peut peindre en atelier au lieu de travailler sur place. Mais … l'artiste travaille alors loin du lieu de destination, sans contact avec, loin de l'atmosphère, de l'éclairage, de l'ambiance, loin du point de vue du spectateur … désagréable impression de"rajoute". Et le plus grave inconvénient est que la toile, qui est hydrophile, va absorber une partie de l'humidité de la colle, va se gonfler et décoller la couche picturale qui est fragilisée, … avant d'être mise en place ! Pour appliquer une peinture murale sur toile, il faut tendre, vider les poches d'air, appliquer au rouleau ou à la raclette en caoutchouc, passer et repasser, racler ce qui correspond à un"tableau d'art". De toutes façons, un artiste sérieux, consciencieux, doit renoncer à maroufler :
Les photographies prises en cours de travaux l'explicitent, le démontrent clairement : partout où les boiseries étaient en contact avec le mur, elles ont pourri, et la pourriture gagnait tout le lambris (question de temps). C'est pourquoi lors de la restauration, les boiseries ont été mises hors contact d'avec les murs par l'emploi (pour créer un espace entre le mur et les boiseries favorisant la circulation d'air) de siporex, matériau à la fois poreux et hydrofuge. Donc, peindre sur une toile qui aurait été ensuite en contact sur toute la surface du mur aurait été une absurdité. CE QUE J'AI FAIT : Une fois mis à nu, poncés et traités, les plâtres étaient prêts à recevoir l'enduit. La très grande porosité du plâtre favorise une excellente adhérence de l'enduit. J'ai donc choisi un enduit gras au lithopone, donc un minéral (l'enduit) sur un minéral (le plâtre). C'est mon fis Christian qui a effectué ce travail. Cet enduit a d'abord servi de bouche-pores ; il a diminué, absorbé les défauts du mur ; il a évité une trop rapide absorption des liants et des huiles de la couche picturale ; il m'a permis de créer une texture, des reliefs. Le blanc de l'enduit joue son rôle dans la luminosité générale de l'oeuvre. Si le mur bouge, l'enduit qui adhère le suit, la couche picturale qui adhère à l'enduit suit également, sans se décoller. MA PEINTURE PROPREMENT DITE (la couche picturale) : Au fur et à mesure que les enduits étaient bien secs, j'ai dessiné les différentes scènes et compositions. J'avais tout dessiné avant de commencer à peindre, en débutant par la petite chapelle bleue. C'était l'hiver, un hiver très très rude. L'échafaudage, placé très haut, près de la voûte, dégageait un volume peu important, qu'il était facile de chauffer au moyen d'un radiateur électrique. Toutefois, une bouteille d'eau à moitié pleine me servait de repère : si l'eau était gelée, je retournais à la maison, car peindre à l'huile au-dessous de 6° est absurde. MA METHODE : Je peins sur place de grandes formes, de grands à plats sur toute la surface du mur que je travaille, je me recule pour juger de l'effet, voire rectifier dès les premiers stades du travail. Puis j'affine progressivement, jusqu'aux détails. Maintenant, parlons des couleurs qu'un artiste utilise. Toute peinture se compose de pigments colorés et d'un médium (substance liante). Les pigments étaient soit d'origine organique, soit d'origine minérale. La chimie moderne nous fournit des pigments de synthèse qui sont d'une fiabilité extrême. Je n'ai utilisé pratiquement qu'une seule marque de produits pour artistes, dont je suis sûre que les pigments de synthèse sont de teneur et de qualité équivalentes. L'oeuvre terminée doit être protégée, une fois que la couche picturale est parfaitement séchée. Il faut respecter la durée de temps nécessaire, car le temps ne respecte pas ce qu'on fait sans lui. Le choix du vernis est délicat, et déterminant pour la durabilité de l'oeuvre. Le vernis choisi empêche la condensation de pénétrer la couche picturale ; il est micro-poreux, permettant aussi à l'humidité de s'évaporer. Sauf en cas de déprédation volontaire, les fresques de l'Eglise de Lesches sont donc inaltérables. Leur stabilité (dimensionnelle, des couleurs …), leur résistance (à l'humidité, aux agents polluants de l'atmosphère), leur durabilité, leur solidité, sont liées à la qualité et à l'homogénéité des matériaux qui la composent. J'ai voulu rendre la Religion, donc l'Eglise, plus accueillante, marquant ma préférence pour les surfaces bien remplies, et de riches et somptueuses couleurs. On pourra dire durant des décennies : les couleurs devenues patinées sont restées belles, et c'est un spectacle prenant que de pénétrer dans l'Eglise de Lesches. |
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La visite de la Sixtine a été proposée par des adhérents de la BRIE pour l'aspect "artistique" de la réalisation. Les visiteurs membres de notre association, apolitique et laïque, ont été impressionnés par la qualité du travail réalisé. C'est pourquoi nous avons demandé à l'artiste de bien vouloir commenter les photographies qu'elle nous a autorisés à prendre. C'est elle qui a fourni tous les textes et commentaires relatifs à la Sixtine de Lesches.